Est-ce que 25% du code est vraiment produit par des IA chez Google?
L'IA est devenue tellement importante pour tous les acteurs de la tech et un vrai sujet de préoccupation pour le moteur de recherche dominant.
L’intelligence artificielle est en train de transformer profondément l’industrie technologique, redéfinissant les stratégies des grandes entreprises et remodelant les attentes du marché. Un article de L’Usine Digitale du 31 octobre met en lumière une déclaration majeure du PDG de Google/Alphabet, Sundar Pichai, qui a annoncé qu’au sein de l’entreprise, près de 25 % du code serait désormais produit par une IA. Cette information, bien que frappante, mérite d’être analysée dans son contexte pour mieux comprendre ce que cette évolution signifie pour l’industrie technologique dans son ensemble.
L'essor de l'IA dans le développement logiciel : une perspective historique
Pour bien saisir l’impact de l’intelligence artificielle sur les entreprises technologiques actuelles, il est utile de regarder en arrière. Dans les années 2007-2012, le monde des entreprises de la tech a connu une première vague de transformations fondamentales avec l’avènement du cloud computing et des solutions d’IaaS (infrastructure as a service), de PaaS (platform as a service) ou de SaaS (software as a service). Cette vague a affecté lourdement des acteurs installés comme Microsoft, qui avait loupé à la fois le virage Internet et celui des smartphones, ou Adobe, qui restait sur un modèle de vente périodique de versions successives de progiciels spécialisés dans le multimédia à des audiences de spécialistes. Quelques années auparavant, vers 2004-2006 Google avait pris le relais des catalogues de ressources tenus manuellement chez Yahoo! ou DMOZ, grâce à ses algorithmes et du machine learning (déjà) qui permettait de catégoriser les sources et de faire correspondre des besoins d’utilisateurs aux contenus les plus adaptés, avec un modèle économique qui allait faire voler en éclat le monde des médias, de la pub et du marketing.
Aujourd’hui, une nouvelle révolution est en marche, et elle est pilotée par l’IA générative capable de produire toutes sortes de contenus et notamment du code informatique. Comme Google a jadis su dominer le marché de la recherche en ligne grâce à des technologies plus intelligentes, l’IA de nouvelle génération redéfinit maintenant la manière dont le code est créé, optimisé et utilisé. Le nouvel entrant d’hier se trouve donc aujourd’hui dans la position de l’acteur établi exposé au risque d’un dépassement par de nouveaux acteurs dont OpenAI qui vient de lancer un moteur de recherche ou Perplexity AI qui rend obsolète la recherche traditionnelle de sources et de contenus en alliant moteur de recherche, multiples moteurs d’intelligence artificielle générative et modèles de fondation propriétaires pour l’exploitation de sources de connaissance.
La part de l’IA dans la création de code : une réalité nuancée
L’information diffusée par le patron de Google / Alphabet Sundai Pichar lors de l’annonce des résultats financiers de l’entreprise, et reprise par Usine Digitale le 31 octobre dernier, selon laquelle 25% du code serait écrit par une IA chez Google, a marqué les esprits.
Cependant, cette statistique, bien qu’impressionnante, cache une réalité plus complexe. Selon des sources internes, Google inclut dans ce chiffre les suggestions de type "autocomplete", où une IA aide l’ingénieur à compléter des lignes de code en fonction de ce qu’il ou elle commence à taper. Autrement dit, cette « création de code par IA » ne signifie pas que la machine prend entièrement en charge le développement, mais plutôt qu’elle agit comme un support, une aide contextuelle pour l’ingénieur.
Le chiffre est néanmoins révélateur des avancées réalisées dans le domaine des outils d’assistance par IA et de l’ampleur du soutien qu’elles apportent désormais aux ingénieurs. Il montre également comment les entreprises technologiques cherchent à exploiter l’IA non seulement pour simplifier des tâches, mais aussi pour libérer du temps et des ressources humaines pour se concentrer sur des projets plus créatifs et à plus haute valeur ajoutée.
Surtout, c’est le révélateur d’un nouveau paradigme dans l’ingénierie qui viendrait s’ajouter aux méthodes connues en permettant que l’on donne à une IA d’une part les paramètres-clés d’input pour un problème donné et d’autre part les caractéristiques souhaitées pour la solution à ce problème en confiant à la machine le soin de recenser tous les moyens qui permettraient de résoudre le problème. C’est une révolution au cœur même des pratiques de l’ingénieur, qu’il ne faut pas négliger et qui a ses analogues dans des domaines comme le droit ou la gestion d’entreprises.
Une vision exagérée de l’autonomie de l’IA
En voyant le chiffre cité par le CEO de Google, il est facile d’imaginer que l’IA est déjà capable de prendre l’initiative dans le développement logiciel, d’agir de manière autonome, ou même de créer des applications complètes sans intervention humaine. En réalité, l’IA agit encore en complément des capacités humaines, prenant en charge des tâches répétitives ou facilitant la saisie de code sans pour autant comprendre la finalité du produit final ou l’architecture globale d’un système.
Cela ne signifie pas que les perspectives de l’IA dans le domaine du logiciel sont limitées. Au contraire, à mesure que les technologies progressent, la capacité de l’IA à prendre des initiatives en matière de développement et de gestion de systèmes complexes est en pleine croissance. Cependant, nous sommes encore loin d’un point où une IA pourrait remplacer totalement les ingénieurs humains.
Les enjeux pour les entreprises de la tech : se réinventer ou se faire dépasser
Pour les acteurs du secteur technologique, la question n’est plus de savoir s’il faut intégrer l’IA, mais comment le faire de manière stratégique. Cette technologie présente à la fois des opportunités et des défis. Pour les entreprises qui dominent actuellement le marché, comme Google, il est crucial de continuer à investir dans des solutions d’IA qui augmentent la productivité tout en restant transparentes sur la manière dont cette technologie est déployée. À l’inverse, pour les nouveaux entrants, l’IA offre une chance de rivaliser avec les géants en proposant des produits innovants, parfois à des coûts plus faibles et avec des délais de mise sur le marché plus courts.
Nous assistons donc à une nouvelle phase de compétition, où l’IA devient un facteur de différenciation majeur. Les entreprises qui sauront s’adapter, en tirant parti de l’IA pour optimiser leur développement logiciel, seront celles qui réussiront à capter la prochaine génération de clients et de marchés. Comme Yahoo! autrefois, qui n’a pas su anticiper les changements amenés par Google, les entreprises établies doivent éviter de se reposer sur leurs acquis et s’assurer qu’elles exploitent l’IA de manière à rester compétitives.
L'avenir de l'IA dans le développement logiciel : innovation et responsabilité
L’IA n’est plus seulement une question de performance, mais aussi de responsabilité et de transparence. À mesure que la technologie évolue, les entreprises technologiques doivent assumer leur rôle dans la régulation de ces outils et dans la gestion de l’impact de l’IA sur leurs employés et utilisateurs. L’automatisation massive pourrait éventuellement entraîner une redéfinition des rôles au sein des équipes de développement, ce qui pose des questions sur la formation, l’évolution de carrière et la protection de l’emploi.
L’intelligence artificielle représente aujourd’hui une opportunité incontournable pour le secteur technologique, tout comme le furent les premières vagues de digitalisation. Cependant, il est essentiel pour les entreprises de naviguer avec prudence et clairvoyance, en prenant soin d’intégrer l’IA non seulement comme un levier de performance, mais aussi comme un outil complémentaire de l’humain en insistant sur les aspects éthiques d’un usage responsable à court et à long terme, car il nous échappe parfois que la dématérialisation est également une fragilisation et une augmentation de la dépendance par rapport à des moyens qui n’ont pas de pérennité physique intrinsèque et qui peuvent disparaître de manière à la fois rapide et complète indépendamment des mesures de sauvegarde mises en œuvre. La capacité des humains à maîtriser les sciences et les technologies doit être amplifiée et non atténuée dans un contexte d’utilisation à large échelle des IA.